Parmi les patients atteints de sclérose en plaques, l’inquiétude règne. Sont-ils plus à risque de développer des complications suite au coronavirus ? Le Professeur Vincent van Pesch, Chef de clinique en neurologie aux Cliniques universitaires Saint-Luc, porte un message rassurant.
Texte : Maria-Laetitia Mattern
Prof. Vincent van Pesch
Chef de clinique en neurologie
Cliniques universitaires Saint-Luc
Les patients SEP sont-ils davantage à risque de contracter le Covid-19 ?
« Avoir la sclérose en plaques ne prédispose pas à attraper le Covid. Des registres et des publications émanant de plusieurs pays attestent en outre que les manifestations du Covid-19 ne sont pas plus sévères chez les patients SEP. Les facteurs aggravants du coronavirus sont les mêmes que pour la population générale : l’âge (au-delà de 65-70 ans) et le fait d’avoir des pathologies concomitantes comme une maladie cardiaque chronique, une pathologie respiratoire chronique ou un diabète. Il est toutefois vrai que l’état de faiblesse général du patient peut être un facteur aggravant et que par conséquent, les personnes affaiblies ou handicapées à cause d’une forme sévère de sclérose en plaques sont plus à risque de développer des complications suite au Covid-19. Mais c’est loin d’être une généralité. »
Le message est-il le même pour les patients sous traitement immunosuppresseur ?
« Dans le cas d’un traitement immunosuppresseur, les données dont nous disposons actuellement sont rassurantes mais la prudence reste de mise, en particulier pour les plus puissants d’entre eux. Mais ces traitements-là sont minoritaires et la grande majorité des options thérapeutiques de la SEP indiquent des résultats très rassurants par rapport au Covid-19. »
En hôpital, toutes les mesures de précautions nécessaires sont prises pour accueillir au mieux les malades.
Y a-t-il une utilité à interrompre un traitement SEP en cours ?
« Lorsque le patient prend un traitement de haute efficacité de type immunosuppresseur, la question peut bien sûr se poser. Mais l’attitude générale parmi les professionnels de la santé est de donner priorité au traitement de la sclérose en plaques. Parce que le risque de handicap neurologique irréversible induit par la sclérose en plaques est plus important que celui de développer des complications des suites du COVID.
Par ailleurs, il existe aujourd’hui un large panel d’options thérapeutiques pour la SEP, ce qui nous permet, au besoin, de réorienter le traitement. Je ne vois donc aucune raison d’interrompre un traitement, même dans ce contexte de pandémie. Et bien entendu, j’appelle l’ensemble de mes patients à respecter les gestes barrières, tout comme l’ensemble de la population, pour se protéger du Covid dans la mesure du possible. »
Quel message souhaitez-vous faire passer aux patients SEP aujourd’hui ?
« Je les encourage vivement à poursuivre les consultations comme prévu et à poser toutes leurs questions à leur neurologue traitant. En hôpital, nous prenons toutes les mesures de précautions nécessaires pour les accueillir au mieux. Nous traversons une période incertaine, nous ne savons pas combien de temps tout cela va durer. Je pense donc qu’il faut réapprendre à vivre, se remettre au sport, prendre l’air… Il n’y a aucune raison de rester en quarantaine ad vitam aeternam, même lorsque l’on a la sclérose en plaques. »
« Aucune raison de craindre une visite à l’hôpital »
Durant la période de confinement et même après, nombreux sont les patients qui ont mis entre parenthèses la prise en charge de leur sclérose en plaques. Une réaction risquée, selon Ludivine Marchal, infirmière à la clinique SEP d’Epicura et au CHU Tivoli.
Ludivine Marchal
Infirmière
Clinique SEP d’Epicura / CHU Tivolo
« Le coronavirus a entraîné chez de nombreux patients la crainte de se rendre à l’hôpital pour des consultations. Or nous suivons de près toutes les recommandations mises en place par le gouvernement : gel hydro alcoolique, masques et désinfection des surfaces. Il n’y a aucune raison de craindre une visite à l’hôpital », explique Ludivine Marchal. Ce qui inquiète l’infirmière, c’est plutôt que la crainte face au Covid-19 ait pris le pas sur le suivi de leur traitement SEP et que certains patients aient préféré suspendre toute prise en charge : kinésithérapie, revalidation ambulatoire… « La sclérose en plaques est une maladie chronique qui ne va pas disparaître, le patient va devoir cohabiter avec elle », explique-t-elle. « Si le patient n’est pas suivi correctement ou que le traitement est interrompu, cela risque d’entrainer un effet rebond, c’est-à-dire une poussée qui peut avoir des effets catastrophiques permanents ou provoquer une évolution de la maladie. »
L’infirmière insiste également sur l’importance d’une prise en charge pluridisciplinaire des patients SEP. Une équipe composée du neurologue et de l’infirmière mais également de kinés, d’une clinique du sport, de psychologues, d’ergothérapeutes, qui entourent le patient SEP et peuvent le rassurer s’il s’inquiète quant à la situation actuelle ou se pose des questions concernant le coronavirus.