Porteur asymptomatique de la maladie de Huntington (MH), Albert Counet a transmis un accroissement de la mutation du gène à son fils, décédé en 2012 à 42 ans. Dorien De Man, atteinte d’épidermolyse bulleuse (EB), a transmis sa maladie à sa fille aînée. Membres d’associations de patients, ils tentent de sensibiliser la société aux maladies rares, de favoriser un diagnostic rapide, et d’obtenir des soins adaptés.
Texte : Diane Theunissen
Quelles sont vos maladies respectives ?
Albert Counet : « la MH est une maladie neurodégénérative héréditaire qui affecte les facultés motrices, cognitives et émotionnelles. Elle apparait généralement vers 30-35 ans. Les malades ont alors entre 12 et 25 ans à vivre, selon le degré de mutation du gène. Ils finissent grabataires, en dépendance totale. »
Dorien De Man : « l’EB est une maladie de la peau visible et très rare. La maladie peut être légère ou très grave : certains bébés n’ont que trois mois à vivre. »
Les médecins ont-ils pu rapidement établir un diagnostic ?
A.C. : « Vers 20 ans, Cédric a eu des phases de déprime soignées ‘classiquement’ par son généraliste qui ne connaissait pas la MH. À 30 ans, c’est devenu plus lourd : perte de poids, d’équilibre, dépressions récurrentes. Après deux ans de tâtonnements, le neurologue a suspecté la MH. Cédric a fait un test génétique ; il était porteur. Il a donc fallu 10 ans pour le diagnostiquer. Si nous avions connu la maladie quand elle a commencé à se manifester, nous aurions fait le test tout de suite. Mais un test génétique ne s’improvise pas, tant ses impacts sont multiples. »
D. D. M. : « Certains bébés naissent dans des hôpitaux où la maladie n’est pas connue, et la diagnostiquer prend beaucoup de temps. C’est problématique car dès le début, il faut être très prudent avec un bébé atteint d’EB. »
Une fois le diagnostic posé, comment peut-on avoir accès à une expertise médicale ?
A.C. : « Il y a un neurologue référent Huntington à Erasme, mais ce n’est pas un centre d’accueil spécialisé. Quand la situation est devenue trop lourde, on a dirigé Cédric vers un centre d’expertise à Namur. Comme il n’y avait pas de place pour l’accueillir sur la durée, on a organisé une hospitalisation à domicile, chez nous. Cédric y est mort après 5 années de soins très exigeants, en termes de temps et d’énergie. »
D. D. M : « Le fait que c’est une maladie rare empêche d’organiser une prise en charge rapide. C’est DEBRA, l’organisation des patients, qui fait beaucoup en termes d’informations. Nous essayons de centraliser l’expertise, l’information et les connaissances : il existe un centre EB en Belgique, à l’UZ Leuven. Nous travaillons actuellement à la reconnaissance officielle de ce centre. »
Quels sont les traitements disponibles ?
A.C. : « Pour la MH, il n’existe aucun traitement. On peut rendre la maladie un peu supportable avec un médicament qui limite les tremblements, et donner un peu de confort de vie avec des antidépresseurs et des anxiolytiques. »
D. D. M : « Ça dépend de la forme, de l’individu, mais aussi de l’endroit où se trouvent les plaies. Il n’y a pas de solution miracle : bandages, gels, baumes, on essaye et on voit ce que ça donne. C’est pourquoi il est essentiel d’écouter le patient et son entourage. Mais il existe des directives internationales que les patients et les prestataires de soins peuvent suivre. »
Quel est l’impact psychologique de ces maladies sur le patient et sa famille ?
A.C. : « Apprendre que vous êtes porteur du gène muté à un degré qui va complètement perturber votre vie, est un choc. Tout comme apprendre que votre frère ou votre sœur est malade… De par mon parcours personnel, j’ai compris à quel point les malades et les familles impactés par des maladies rares et orphelines sont démunis. Mon engagement dans les Associations vise à partager les connaissances accumulées en accompagnant la fin de vie de Cédric. »
D. D. M : « Je me sens souvent coupable, peut-être parce que j’ai eu le choix : j’aurais pu faire une FIV et diagnostiquer la maladie. Mais nous avons décidé d’avoir un enfant de manière naturelle, sachant que la maladie allait être légère. Je vois ma fille vivre avec des plaies et des cloches ; ce n’est pas facile. Mais on essaye de lui donner une vie normale : elle va à l’école, et on ne lui met pas toujours de bandages. »
À savoir
– La maladie de Huntington est une maladie neurologique à évolution progressive. Cette maladie génétique orpheline, à profond retentissement familial, fait partie des maladies rares les plus fréquemment rencontrées.
– L’épidermolyse bulleuse est une maladie génétique rare de la peau. Elle se manifeste dès la naissance par une peau très fragile qui a tendance à se décoller, formant des bulles souvent douloureuses.