Le cancer de l’œsophage désigne une tumeur maligne qui touche les cellules situées dans l’œsophage, au sein de l’appareil digestif. Pour le Professeur Jean-Luc Van Laethem, Chef du service d’Oncologie digestive à l’hôpital Erasme, l’immunothérapie pourrait constituer un espoir de traitement pour l’avenir.
Texte : Philippe Van Lil
Quels sont les différents types de cancers de l’œsophage ?
Jean-Luc Van Laethem : « Il y en a deux types histologiques, c’est-à-dire dont la nature des cellules est différente : le carcinome épidermoïde et l’adénocarcinome. Le premier, le plus fréquent dans le monde, est généralement lié à une surconsommation de tabac et d’alcool. Le second, située plus proche de la jonction entre l’œsophage et l’estomac, est plutôt lié au reflux gastro-œsophagien et à l’obésité ; son incidence a augmenté ces dernières années dans nos pays. »
Quelle est la prévalence du cancer œsophagien en Belgique ?
J.-L. V. L. : « On se situe autour de 6 à 10 nouveaux cas par 100.000 habitants chaque année 1. C’est loin d’être parmi les cancers les plus fréquents. Quand on le détecte à un stade précoce – au stade I -, par exemple chez des patients suivis pour reflux, le cancer est dit ‘superficiel’ ; c’est un peu comme un polype dans le côlon. En général, un traitement par résection endoscopique donne de bons résultats. Les taux de survie à cinq ans sont très bons : ils tournent autour de 90 % pour le stade I. Dès qu’on monte dans les stades (II et III), la survie à cinq ans diminue et est d’environ 50 %, en utilisant des traitements combinés, c’est-à-dire la chirurgie avec la chimiothérapie ou la radiochimiothérapie préopératoire. Le stade IV est le stade auquel l’on trouve des métastases et où la survie est malheureusement limitée à deux ans maximum. »²
Quel est l’impact de la maladie sur le quotidien des patients ?
J.-L. V. L. : « Un stade I avec une résection locale n’a pas beaucoup de conséquences. En revanche, lorsque l’on fait une chirurgie du type œsophagectomie ou œsogastrectomie, il peut se produire ce qui se passe pour toute chirurgie touchant le tube digestif supérieur : la qualité de l’alimentation et de la digestion et, à fortiori, la qualité de vie peuvent s’en trouver diminuées. Les patients ne s’alimentent pas toujours facilement, ont du reflux et perdent du poids, même s’ils sont en rémission. »
Depuis plusieurs années, on essaie de stimuler les défenses naturelles contre une série d’agressions, dont une tumeur, grâce au système immunitaire de l’être humain.
Quelles sont les approches thérapeutiques classiques ?
J.-L. V. L. : « La chimiothérapie est indiquée tout d’abord au stade préopératoire ou périopératoire ; elle est dite alors adjuvante à la chirurgie. On a affaire ici à des tumeurs de stade intermédiaire ou avancé mais sans métastases. Le pronostic est amélioré si l’on combine la chimiothérapie et la chirurgie. La chimiothérapie est ensuite indiquée aux stades dits avancés ou métastatiques. Malheureusement, dans ces cas on ne peut pas guérir le patient. Il s’agit ici d’une approche palliative dans laquelle la chimiothérapie est donnée pendant un à deux ans pour contrôler l’évolution de la maladie et tenter de conserver une certaine qualité de vie du patient. Mais vu que la chimiothérapie a elle-même des conséquences négatives, cela peut être un équilibre difficile à trouver. »
En quoi consistent les traitements via immunothérapie ?
J.-L. V. L. : « Depuis plusieurs années, on essaie de stimuler les défenses naturelles contre une série d’agressions, dont une tumeur, grâce au système immunitaire de l’être humain. Le principe de l’immunothérapie est de donner un médicament au patient, qui réveille et active le système immunitaire pour lutter contre les cellules tumorales et les détruire. Les médicaments actuels, appelés Check Points Inhibitors, activent une sorte de point de contrôle qui va se retourner contre l’agresseur qu’est la cellule tumorale. L’immunothérapie fonctionne très bien dans des cancers comme les mélanomes ou certains cancers du rein et du poumon. »
Le premier axe est de maintenir des endoscopies de qualité et des traitements chirurgicaux de pointe, raison pour laquelle il existe aujourd’hui des centres spécialisés en chirurgie de l’œsophage.
Qu’en est-il pour le cancer de l’œsophage ?
J.-L. V. L. : « De manière générale, les cancers digestifs répondent moins bien à ce type d’approche. Les tumeurs de l’œsophage sont toutefois les premières de la sphère digestive – pancréas, côlon, estomac, œsophage, etc. Mais il ne faut pas verser dans un enthousiasme trop prononcé : actuellement, on ne sait toujours pas si l’immunothérapie guérit certains patients. »
Quand y recourt-on ?
J.-L. V. L. : « Deux contextes sont propices à son utilisation. Premièrement, elle peut se donner en complément de la chimiothérapie afin d’en améliorer les effets de manière synergique. Les patients répondent alors mieux et plus longtemps à la chimiothérapie combinée à l’immunothérapie. Toutefois, le plus grand défi actuel est de déterminer chez quels patients l’immunothérapie pourrait engendrer ce type de bénéfices. Les études sont toujours en cours à ce sujet. »
Comment pourrait évoluer la lutte contre ce cancer dans les années à venir ?
J.-L. V. L. : « Le premier axe est de maintenir des endoscopies de qualité et des traitements chirurgicaux de pointe, raison pour laquelle il existe aujourd’hui des centres spécialisés en chirurgie de l’œsophage, accrédités par l’INAMI et le SPF Santé. Le second est de développer encore l’approche multidisciplinaire et multimodale en combinant certains traitements, dont la chimiothérapie, la radiothérapie et l’immunothérapie. On fera sans doute un peu moins de chimiothérapie et un peu plus d’immunothérapie dans le futur mais avec une approche sur mesure pour chaque patient. »
Cet article a été rendu possible grâce au soutien d’MSD. Les propos tenus par la personne interviewée ne reflètent que ses propres opinions.
1. Cancer Register, Oesophageal Cancer fact sheet 2019 Available from: https://kankerregister.org/media/docs/CancerFactSheets/2019/Cancer_Fact_Sheet_Oesophagealcancer_2019.pdf, accessed 22/09/2021
2. Joan V, Cindy DG, Sabine S, Viki S, Cécile C, France V, et al. Quality indicators for the management of upper gastrointestinal cancer [Internet]. KCE Reports. Brussels: Belgian Health Care Knowledge Centre (KCE); 2013. Available from: Quality indicators for the management of upper gastrointestinal cancer – KCE (fgov.be), accessed 22/09/2021
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