Les probiotiques sont des bactéries vivantes qui, administrées en quantité suffisante, sont utiles à la santé. Selon plusieurs recherches, certains probiotiques peuvent avoir des effets positifs sur les patients atteints de maladies du foie. Expert en la matière, le professeur German Soriano nous éclaire sur le sujet.
Pr German Soriano
Gastro-entérologue
Quelle est la corrélation entre probiotiques et maladies du foie ?
German Soriano : « Il faut savoir que le foie est directement relié à l’intestin par la veine porte. Dans l’intestin se trouve le microbiote – la flore intestinale –, composé d’une grande quantité de bactéries. De nombreuses maladies sont en partie causées par des altérations du microbiote, dont certaines maladies du foie : lorsque les bactéries et leurs produits traversent la paroi intestinale, le premier organe qu’ils rencontrent, c’est le foie. Les probiotiques peuvent modifier ces altérations du microbiote. »
Les probiotiques ne sont pas considérés comme des médicaments, ce qui peut affecter la conception des essais évaluant leur efficacité.
Quels sont les effets des probiotiques sur les patients ?
G. S. : « Tout est question d’équilibre, et quand il y a altération, il y a déséquilibre. Dans ce cas, les ‘mauvaises’ bactéries augmentent au détriment des ‘bonnes’ bactéries, et c’est une situation qui n’est pas bonne pour la santé. Ce déséquilibre peut être corrigé par certains traitements aux probiotiques.
Un autre effet porte sur la barrière intestinale. Lorsque les patients malades présentent une altération de la barrière, les bactéries ou les substances qu’elles produisent sont alors capables de la traverser et d’atteindre le corps. Cela produit une réponse inflammatoire, car le système immunitaire ne veut pas de ces bactéries hors de l’intestin. Cet état pro-inflammatoire joue un rôle important sur les maladies du foie et contribue à beaucoup de complications chez les patients atteints de cirrhose hépatique, comme des altérations cognitives ou une encéphalopathie hépatique. Certains probiotiques peuvent renforcer la barrière intestinale et améliorer cet état pro-inflammatoire. »
Comment ces améliorations se traduisent-elles ?
G. S. : « Nous constatons des améliorations de la dysbiose intestinale et de la barrière intestinale qui, grâce aux probiotiques, est moins perméable. Le système immunitaire des patients s’est modulé, et en conséquence de ce changement et de la diminution de toxines dans le sang, les fonctions cognitives du patient, sa fonction hépatique et son système hémodynamique se voient améliorés. Finalement, le patient ressent une diminution des épisodes d’encéphalopathie, une meilleure cognition et une meilleure qualité de vie. »
Il existe suffisamment de preuves pour soutenir l’efficacité de certains probiotiques spécifiques sur les maladies du foie.
Plusieurs études ont prouvé l’efficacité de certains probiotiques sur les maladies du foie. Quel est l’avenir de la recherche ?
G. S. : « Certains de ces projets de recherche sont menés dans d’autres pays, par exemple en Inde. Il est possible d’extrapoler les résultats à d’autres populations, mais on ne peut en être tout à fait certain. En effet, il existe des différences entre les populations, que ce soit au niveau génétique ou du microbiote – d’une population à l’autre, le régime alimentaire diffère –, tout comme le système de santé. Il faudrait donc que les résultats obtenus dans plusieurs populations puissent être confirmés ailleurs, comme l’a réussi notre groupe de recherche à Barcelone pour un mélange probiotique bien spécifique. De plus, les probiotiques ne sont pas considérés comme des médicaments, mais plutôt comme des compléments alimentaires. La réglementation n’est donc pas la même que pour les médicaments, ce qui peut affecter la conception des essais évaluant l’efficacité des probiotiques… »
Les probiotiques peuvent jouer un rôle à plusieurs niveaux :
1. Ils sont capables de corriger les éventuels déséquilibres du microbiote
2. Certains peuvent renforcer la barrière intestinale
Que préconisez-vous ?
G. S. : « Nous avons besoin de protocoles de recherche très stricts et bien conçus, avec les mêmes garanties que pour la recherche sur les médicaments… Malheureusement, certains probiotiques ne sont pas couverts par la sécurité sociale. Les patients qui veulent des probiotiques doivent donc payer, et beaucoup d’entre eux ne peuvent pas se le permettre. Il existe suffisamment de preuves pour soutenir l’efficacité de certains probiotiques spécifiques sur les maladies du foie. Cependant, il est nécessaire de poursuivre et de renforcer la recherche : seuls des résultats clairs et probants convaincront les autorités sanitaires. »
