La Docteure Axelle Pintiaux, gynécologue et fondatrice du centre de ménopause du CHU de Liège et à l’hôpital de la Citadelle, lève le voile sur la ménopause et présente les impacts de cette étape de transition sur le corps, l’esprit et la vie des femmes.
Laura Lequeu
Fondatrice
Toi Mon Endo
Qu’est-ce que la ménopause ?
Docteur Axelle Pintiaux : « La ménopause, c’est l’arrêt de la fonction ovarienne. Cela se déroule toujours à peu près au même moment, en début de cinquantaine. Cette maladie est précédée d’une phase de transition qui est caractérisée par de grandes variations hormonales lors desquelles – alors que les règles continuent – les femmes présentent des troubles comme des sudations nocturnes, des bouffées de chaleur diurnes, des palpitations, et toute une série de symptômes dus à des fluctuations, des excès ou des baisses d’œstrogènes. C’est comme une grande symphonie : avant l’arrêt des instruments, la machine s’emballe ! Les taux d’œstrogènes atteignent parfois ceux des femmes qui suivent une procédure de procréation médicalement assistée. Ils provoquent des douleurs mammaires, des saignements indésirables et des cycles déréglés, jusqu’au moment où ils s’arrêteront totalement. »
Quels sont les effets à long terme de la ménopause sur le corps ?
Dr A. P. : « Quand la ménopause s’installe et qu’il y a une carence hormonale, elle peut déboucher sur une déminéralisation osseuse. Cela dit, c’est toujours au cas par cas. Pour déterminer si une patiente est à risque de faire une fracture dans un contexte d’ostéoporose, on dispose d’instruments, tels que l’ostéodensitométrie, qui permet d’analyser le contenu minéral osseux. »
Comment peut-on les contrer ? Quels sont les traitements envisageables ?
Dr A. P. : « Le traitement hormonal est le traitement le plus physiologique pour préserver l’os. Il permet aussi d’aider à prévenir les maladies cardiovasculaires : avec l’âge, la ménopause va induire une certaine détérioration des parois artérielles. Cependant, les directives internationales ne recommandent pas de donner le traitement dans ce but. Dans ce cas-ci, il faut privilégier un mode de vie sain – éviter de fumer, manger sainement, limiter le cholestérol – pour rester en bonne santé. La prise en charge de la ménopause est globale : il est nécessaire de se poser toute une série de questions et de prendre des mesures. Elle ne se limite pas au fait de se dire qu’on va mettre un patch ou avaler une pilule.
Le traitement hormonal ne se prescrit pas au hasard mais au cas par cas en fonction des problèmes et risques individuels.
Ce qui fait peur par rapport au traitement hormonal, c’est le risque de cancer du sein. Mais il faut savoir qu’il y a toute une série de facteurs qui augmentent, bien plus que le traitement hormonal, les risques de présenter un cancer du sein (consommation d’alcool, obésité, etc.). Et puis, on meurt beaucoup plus de maladies cardio-vasculaires que de cancers du sein ! Le traitement hormonal ne se prescrit pas au hasard mais au cas par cas en fonction des problèmes et risques individuels. »
Quels sont les impacts de la ménopause sur la vie sexuelle des femmes ?
Dr A. P. : « Elle peut donner lieu à une sécheresse vaginale, mais il existe des produits efficaces utilsables localement. Quant à la libido, elle peut diminuer à partir du moment où l’on n’ovule plus. Néanmoins, il y a encore énormément de femmes qui gardent une sexualité très active et épanouie. »
Qu’en est-il des conséquences sur la vie professionnelle ?
Dr A. P. : « Certaines patientes ont des problèmes de concentration que l’on appelle ‘brain fog’. Elles cherchent leurs mots, ne dorment pas bien, accumulent la fatigue et se retrouvent dans une situation psychologique complexe. Au moment où la ménopause s’installe, elles peuvent avoir des choix de carrière à faire pour avancer professionnellement et laissent parfois la place à quelqu’un d’autre parce qu’elles ne se sentent plus en possession de tous leurs moyens. »
Pourquoi est-il encore si tabou de parler de ménopause ?
Dr A. P. : « À mon avis, c’est lié à notre société. Dans d’autres sociétés, la ménopause est une étape valorisée : dans certaines cultures, les femmes ménopausées accèdent à des fonctions de pouvoir. Elles bénéficient d’une reconnaissance particulière et sont considérées comme des sages. Chez nous, la ménopause est associée au vieillissement et à la perte des possibilités de reproduction. Il faut changer d’état d’esprit et voir les choses positivement : cette phase est aussi la libération des règles et de la contraception. »