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Au cœur de la digestion

« L’humour face à la maladie, c’est un héritage familial »

Juliette Mercier, alias Stomie Busy.

Juliette Mercier, alias Stomie Busy, revient avec Hasta la vista, baby, sa deuxième bande dessinée, après Ma Crohn de vie. À travers ses dessins et son humour, elle raconte son quotidien avec la maladie de Crohn et sa stomie – la poche qu’elle doit porter en permanence au niveau du ventre – en sensibilisant un large public, également via une page Instagram qui compte plus de 100.000 followers. 

Originaire de Corrèze, Juliette Mercier découvre très tôt qu’elle est atteinte de la maladie de Crohn. « J’avais 15 ans quand les premiers symptômes sont apparus. Ils étaient inquiétants, alors j’ai consulté. Six mois plus tard, le diagnostic est tombé. J’ai eu la chance de savoir rapidement ce que j’avais, mais là où je n’ai pas eu de chances, c’est que la maladie s’est révélée particulièrement agressive », nous raconte-t-elle. 

Un diagnostic précoce, mais un parcours semé d’embûches 

S’ensuivent treize années de combat contre la maladie, avec des traitements lourds et de nombreuses complications. Pourtant, Juliette refuse de laisser Crohn dicter sa vie. « Malgré tout ça, j’ai tenu à poursuivre mes études et à voyager. J’avais besoin de prouver que ma maladie ne m’empêcherait pas de vivre », se souvient-elle.

Un voyage en Asie du Sud-Est, entrepris à 24 ans, marque un tournant. « À l’époque, j’étais à bout physiquement et mentalement. Je me disais que je ne passerais pas les 30 ans, alors autant faire quelque chose de marquant. Ce voyage a été une véritable claque. J’ai réalisé que la souffrance n’était pas forcément là où on l’imaginait. Ce n’est pas parce qu’on est en bonne santé qu’on est heureux.

J’avais 15 ans quand les premiers symptômes sont apparus.

Voir d’autres réalités m’a aidée à relativiser et à revenir avec un état d’esprit beaucoup plus combatif. C’est d’ailleurs ce voyage que je raconte dans ma nouvelle BD, Hasta la vista, baby. Ce n’est pas une BD sur la maladie, c’est une BD sur la résilience et sur la manière dont on choisit de vivre avec ce qui nous arrive. » Malgré sa combativité, son état continue de se dégrader jusqu’à une annonce brutale des médecins : la pose d’une poche où les selles ou les urines sont recueillies devient inévitable. « En quelques jours, on m’a expliqué que si je ne me faisais pas opérer, il me restait six mois à vivre. C’était un point de non-retour », explique-t-elle.

L’annonce est un choc. « L’idée de vivre avec une poche me terrifiait. J’avais peur d’être handicapée à vie, que ce soit visible, que ça change mon rapport aux autres et à moi-même. Est-ce que je pourrais encore me sentir féminine ? Est-ce que les gens allaient me regarder différemment ? » Aujourd’hui, elle vit mieux avec sa stomie qu’elle ne l’aurait imaginé. « Finalement, ce que je voyais comme une contrainte s’est avéré être une délivrance. Depuis mon opération, ma maladie est endormie, je n’ai plus de traitement, plus de suivi médical lourd. Ça m’a permis de reprendre le contrôle sur ma vie. »

L’humour comme arme et la BD comme moyen de sensibilisation 

Depuis toujours, Juliette utilise l’humour pour surmonter les épreuves. « C’est un héritage familial. Chez nous, on a toujours tourné les choses en dérision, même après les journées les plus difficiles. On a le choix : soit on subit, soit on rit pour dédramatiser. Et franchement, avec tous les traitements, les rendez-vous médicaux et les galères, autant ne pas rajouter de la douleur sur la douleur. » C’est dans cet esprit qu’elle décide de raconter son histoire en bande dessinée. « Ça a commencé sur les réseaux sociaux, puis j’ai eu la chance d’être repérée par une maison d’édition. » Sa première BD, Ma Crohn de vie, rencontre un bel écho auprès des patients et des professionnels de santé. « J’ai réalisé que raconter mon vécu pouvait aider d’autres personnes. Je reçois beaucoup de messages de gens qui se reconnaissent dans mes dessins, qui me disent que ça les aide à mieux accepter leur propre maladie. »

Malgré tout ça, j’ai tenu à poursuivre mes études et à voyager. J’avais besoin de prouver que ma maladie ne m’empêcherait pas de vivre.

Aujourd’hui, Stomie Busy est devenue son activité à plein temps. « Je vis de ma passion et j’adore ça. Mon travail me permet d’aider des patients, mais aussi des professionnels de santé. J’ai des projets avec des associations, des hôpitaux et des laboratoires pour sensibiliser autour de plusieurs pathologies. J’essaye d’en parler de manière plus ludique, plus accessible. » Et la suite ? «  J’ai encore plein d’idées, mais je prends le temps. J’aimerais parler de ma grossesse, par exemple. Beaucoup de femmes atteintes de Crohn se demandent si elles pourront avoir des enfants. Moi, ça a été très facile, et mon petit garçon est né en septembre. C’est un sujet important. »

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