Avec 10 millions de personnes diagnostiquées de la maladie chaque année dans le monde, les progrès de la médecine sont d’autant plus attendus. Le Professeur Bart De Strooper, spécialiste en biologie moléculaire à la KU Leuven, la VIB et la UK Dementia Research Institute, nous éclaire sur la maladie d’Alzheimer.
Texte : Olivier Clinckart – Photo : Franky Verdickt
Quels signes peuvent mener au diagnostic de cette maladie ?
« Il est très complexe de cerner avec certitude des symptômes précis de la maladie, car si Alzheimer concerne entre 50 % et 7 0% des personnes souffrant de démence, on compte environ une soixantaine de types de démences différentes. Parmi les symptômes fréquents, on constate dans un premier temps la difficulté pour les patients d’assimiler de nouvelles informations et expériences, avec une perte de la mémoire à court terme. Peu à peu, d’autres fonctions de la mémoire sont affectées à leur tour: difficultés à penser, problèmes de langage, d’orientation, de motivation, etc.
Néanmoins, grâce à l’imagerie médicale, des tests peuvent permettre de repérer sur le cerveau des lésions typiques révélatrices de la maladie d’Alzheimer. »
La lenteur de la maladie à se développer pourrait être vue comme un avantage ?
« En effet, il conviendrait d’ailleurs que l’on considère avant tout Alzheimer comme une maladie lente plutôt que comme une forme de démence pure. La maladie commence de manière insidieuse, lentement et affecte certaines fonctions de manière discrète. Ce n’est qu’en toute fin de cycle qu’on constate les dommages causés au cerveau, dont la forme se modifie. Mais cet aspect-là permet justement d’entretenir l’espoir : vu la lenteur du processus, s’il était possible d’intervenir dès les premières phases de la maladie, on pourrait alors sérieusement envisager un remède à celle-ci. »
Comment expliquez-vous certains que pays seront plus touchés que d’autres dans le futur ?
« Le risque principal de l’augmentation de la maladie est lié à l’augmentation de l’espérance de vie, car Alzheimer touche essentiellement des personnes âgées de plus de 65 ans. C’est valable pour les pays occidentaux, mais des pays comme l’Inde et les nations sud-américaines, qui voient l’espérance de vie de leur population augmenter, seront eux aussi de plus en plus fréquemment confrontés à la problématique. »
Mon espoir est évidemment de trouver un remède ou un traitement permettant de retarder le début de la maladie.
La prise en charge des patients en Belgique est-elle efficace ?
« Clairement, l’accès aux soins en Belgique est excellent par rapport à d’autres pays européens. Des cliniques de la mémoire permettent de faire des tests et de poser des diagnostics, ainsi que de recevoir des conseils judicieux. En matière de remboursement de médicaments, la situation est également meilleure que dans d’autres pays. »
Vous avez été récompensé avec trois de vos confrères du Brain Prize, un prix hautement prestigieux.
« Ce prix honore les scientifiques pour leur contribution en matière de recherche sur le cerveau. Il m’a été attribué pour avoir, entre autres, été un des premiers à mettre en évidence les mutations d’un gène à l’origine de la majorité des formes génétiques de la maladie. »
Pensez-vous qu’il soit possible de guérir un jour cette maladie ?
« Mon espoir est évidemment de trouver un remède ou, à tout le moins, un traitement permettant de retarder le début de la maladie ou d’en atténuer les désagréments. Parvenir à la retarder de 5 ans, par exemple, ralentirait le tsunami qui s’annonce dans les années à venir en matière de nouveaux malades. Cet espoir n’a rien d’irréaliste, même s’il m’est évidemment impossible de prédire dans combien de temps ce sera possible. Mon optimisme réside dans le fait que, ces dernières années, la compréhension scientifique de la maladie s’est accrue de façon spectaculaire.
Par exemple, on a trouvé plus de 40 facteurs de risques génétiques liés à Alzheimer qui sont pour la plupart liés à des cellules qui aident en quelque sorte le cerveau à accomplir toute une série de fonctions. »