Pour expliquer des maladies chroniques, les études du microbiote intestinal ont pris un tournant décisif ces dernières années.

Dr Marc Etienne
Gastro-entérologue
Longtemps négligé, le microbiote intestinal est aujourd’hui au cœur des recherches médicales. « On a trop souvent considéré l’intestin comme un simple tube chargé de digérer les aliments et d’absorber les nutriments », explique le Dr Marc Etienne, gastro-entérologue et spécialiste du sujet. « Pourtant, il s’agit d’un véritable organe à part entière, vivant et en perpétuel renouvellement, qui joue un rôle essentiel dans notre santé globale. »
Un écosystème vital au cœur de notre santé
« Le microbiote, c’est un organisme dans notre organisme », résume-t-il. Il est composé de milliards de micro-organismes – bactéries, virus, champignons – qui interagissent entre eux et avec notre corps. « Chacun d’entre nous possède un microbiote unique, comme une empreinte digitale. Si l’équilibre est perturbé, c’est la porte ouverte à de nombreux dysfonctionnements. »
Ses fonctions sont multiples. Il participe à la digestion, en transformant les aliments en éléments assimilables. Il est aussi un puissant modulateur du système immunitaire, jouant un rôle-clé dès la naissance, notamment durant les 1000 premiers jours de vie.
Une bonne santé intestinale passe avant tout par une bonne santé fonctionnelle du microbiote.
Mais cet équilibre fragile dépend de nombreux facteurs. « Certains sont génétiques et non modifiables : le sexe, l’ethnie, le mode de naissance (césarienne ou accouchement naturel) influencent sa composition, et donc ses impacts sur notre organisme. D’autres, comme l’alimentation, le mode de vie ou le stress, sont des leviers sur lesquels nous pouvons agir. » Le régime alimentaire est particulièrement déterminant : une alimentation riche en fibres, en oméga-3 et en aliments fermentés favorise un microbiote diversifié et équilibré. À l’inverse, une consommation excessive de viandes rouges, de produits ultra-transformés ou d’additifs alimentaires peut gravement l’altérer.
Préserver l’équilibre : alimentation, mode de vie et pistes thérapeutiques
Un déséquilibre du microbiote, ou dysbiose, peut être associé à diverses pathologies. « On pense tout de suite aux maladies digestives, comme le syndrome de l’intestin irritable ou la maladie de Crohn, mais l’impact va bien au-delà », explique le Dr Etienne. L’obésité, certaines maladies neurodégénératives comme Alzheimer et Parkinson, ou encore des troubles cutanés pourraient être liés à une altération du microbiote intestinal. « On parle de plus en plus de l’axe intestin-cerveau, car le microbiote produit des molécules qui influencent nos fonctions cognitives et émotionnelles. »
Si des analyses permettent aujourd’hui d’évaluer de plus en plus précisément la composition du microbiote intestinal, ce sont les interrelations avec notre corps qui importent le plus. « Nos bactéries sont de véritables usines chimiques. L’enjeu n’est pas de compter leur nombre, mais de comprendre leur rôle. Savoir qui est là, c’est certes scientifiquement, intellectuellement, intéressant, savoir comment ça fonctionne est infiniment mieux. C’est en effet par le biais de la production de diverses familles chimiques (on parle notamment des acides gras à courte chaine, AGCC) que notre microbiote impacte notre organisme à divers niveaux.» Cette approche est d’autant plus importante lorsqu’il s’agit d’utiliser des probiotiques, très populaires mais pas toujours adaptés. « Ce n’est pas la quantité qui compte, mais la souche spécifique utilisée. Un bon probiotique doit être ciblé dans son (ses) action(s) pour être efficace. »
On parle de plus en plus de l’axe intestincerveau, car le microbiote produit des molécules qui influencent nos fonctions cognitives et émotionnelles.
Enfin, la recherche explore des pistes plus innovantes, comme les greffes de microbiote fécal, qui consistent à transférer des bactéries d’un individu sain vers un patient souffrant de certaines pathologies. « Cela fonctionne bien pour des infections intestinales sévères, mais les indications restent limitées », tempère le spécialiste.
Le microbiote est un véritable modérateur entre le monde extérieur et notre organisme, un acteurclé de notre santé qu’il convient de préserver. « Une bonne santé intestinale passe avant tout par une bonne santé fonctionnelle du microbiote », conclut le Dr Etienne.