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« Il faut plus de programmes en R&D afin de découvrir de nouveaux médicaments »

Cédric Blanpain, professeur à l’ULB et investigateur du WELBIO.
Cédric Blanpain, professeur à l’ULB et investigateur du WELBIO.
Cédric Blanpain, professeur à l’ULB et investigateur du WELBIO.

Cédric Blanpain est professeur à l’ULB et investigateur du WELBIO, l’Institut wallon virtuel de recherche d’excellence dans les domaines des sciences de la vie. Sa spécialité : les cellules souches du cancer. Il nous livre son analyse sur les évolutions de la recherche.

Photo : Kris Van Exel

Quels sont les défis actuels dans la recherche contre le cancer ?

« Le premier est de mieux comprendre ce qui différencie un patient d’un autre, à la fois au niveau de son pronostic, de sa réponse à la thérapie et de l’évolution naturelle de la tumeur. Pour mieux guérir les patients, il s’agit aussi de mieux appréhender ce qui différencie une cellule cancéreuse d’une autre au sein d’une même tumeur ; toutes les cellules cancéreuses n’ont pas la même capacité à se diviser et n’ont pas la même réponse aux attaques du système immunitaire et aux traitements médicaux. »

« De nouvelles technologies nous permettent aujourd’hui d’interroger chacune des cellules au niveau de tous les gènes qu’elles expriment ; on appelle cela le « séquençage cellule unique » ; il apportera énormément d’informations dans les années à venir. »

Un autre défi majeur ?

« Oui, il faut essayer d’identifier quels patients répondent le mieux aux traitements et ceux qui y résistent. On doit comprendre pourquoi et imaginer de nouvelles approches pour pallier cette résistance naturelle du cancer. En 2018, en même temps qu’un groupe américain, nous avons par exemple découvert que les cellules du cancer de la peau étaient résistantes aux traitements mais qu’on pouvait utiliser une combinaison de deux médicaments existants pour surmonter cette résistance. »

Malgré tout, on comprend mieux les mécanismes du cancer…

« Chaque année, en effet, il y a des avancées majeures. Ces dernières années, on a eu le séquençage des cancers et on a découvert qu’un grand nombre de gènes responsables du cancer sont des régulateurs épigénétiques ; ceux-ci régulent l’expression des gènes de manière indirecte. »

L’immunothérapie constitue une des révolutions majeures de ces dernières années et a sauvé bien des vies.

« Autre grande révolution : l’immunothérapie, qui a sauvé bien des vies dans des cancers comme le mélanome, celui du poumon et certains cancers de la vessie. Malheureusement, l’immunothérapie ne guérit pas tous les cancers. »

Les thérapies sont-elles de plus en plus ciblées ?

« Non. À présent, on sait comment on devrait faire pour parvenir à une médecine personnalisée mais on n’a pas encore tous les outils nécessaires. Autrement dit, on arrive à comprendre en quoi un cancer est unique mais nous n’avons pas encore beaucoup d’armes à notre disposition pour changer notre arsenal. Le défi de la recherche est dès lors de faire le lien entre la compréhension personnalisée et la thérapie personnalisée. »

Que faudrait-il pour accélérer la recherche ?

« Il faudrait plus de programmes en recherche et développement afin de découvrir de nouveaux médicaments contre une série de cibles que l’on a identifiées ces dernières années. Parmi les nouveaux gènes trouvés récemment grâce au séquençage des tumeurs, on ne connaît pas encore le fonctionnement de bon nombre d’entre eux.

« Actuellement, nous essayons de comprendre comment agissent quatre ou cinq gènes qui ont très fréquemment muté dans des populations présentant des cancers. » 

« Nous développons de nouveaux outils moléculaires pour disséquer les mécanismes fondamentaux de leur action. Il ne faut pas se faire trop d’illusions : pour plusieurs dizaines d’années encore, ce sera à la recherche fondamentale de comprendre les concepts fondamentaux des cibles auxquelles on veut s’attaquer. »

Cette recherche nécessite l’intervention de profils scientifiques très divers…

« Il faut à la fois des cliniciens pour la récolte des échantillons, des bioinformaticiens et biostatisticiens pour comprendre les métadonnées, des biologistes pour tester les nouvelles idées venant du séquençage… des investisseurs et des startups pour des projets visant à découvrir de nouveaux médicaments… et des géants pharmaceutiques capables de financer des essais cliniques. »

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