Les maladies cutanées chroniques concernent un nombre croissant de patients et constituent un motif fréquent de consultation en dermatologie.
Co-auteur : Pr Véronique del Marmol. Directrice du service interhospitalier de dermatologie de l’H.U.B

Dr Léonie Krasilowycz
Médecin assistant candidat spécialiste en dermatologie
Parmi les principales causes des maladies cutanées chroniques, on retrouve une prédisposition génétique, des dérèglements du système immunitaire, des déséquilibres du microbiote cutané, mais aussi des facteurs environnementaux comme les UVs, la pollution, le stress, le tabac ou encore certaines expositions professionnelles. Le mode de vie, les perturbations hormonales et les comorbidités (comme le diabète ou l’obésité) jouent également un rôle dans l’apparition ou l’aggravation de ces affections.
Certaines maladies dermatologiques requièrent une attention particulière en raison de leur caractère invalidant, de leur évolution chronique ou de leur retentissement psychologique.
C’est le cas des cancers cutanés, mais également de certaines maladies chroniques comme le psoriasis, l’eczéma atopique ou la maladie de Verneuil, cette dernière étant encore trop méconnue.
- La maladie de Verneuil ou Hidradénite suppurée (HS) est une affection inflammatoire chronique des follicules pileux, principalement localisée dans les zones riches en glandes apocrines comme les aisselles, les plis inguinaux et la région génitale. Le tabagisme et le surpoids sont des facteurs de risque clairement identifiés. Une prédisposition familiale est souvent retrouvée, et des facteurs hormonaux pourraient également intervenir, avec une exacerbation des symptômes parfois observée chez les femmes en période prémenstruelle.
- La dermatite atopique trouve son origine dans des facteurs génétiques, notamment une mutation du gène de filaggrine, qui entraîne une altération de la barrière cutanée. En conséquence, la peau devient plus perméable aux allergènes et aux irritants extérieurs. Les facteurs environnementaux tels que la pollution, les allergènes, le climat et le stress psychologique peuvent aggraver les symptômes.
- Le psoriasis est une maladie inflammatoire chronique caractérisée par une prolifération excessive des kératinocytes, formant des plaques rouges squameuses sur la peau. Les infections, le stress, les médicaments et les traumatismes cutanés sont des déclencheurs courants. Les facteurs génétiques jouent un rôle clé et, sur le plan immunitaire, une activation excessive des lymphocytes T et une production accrue de cytokines pro-inflammatoires, notamment l’IL-17 et l’IL-23, sont au cœur de la physiopathologie.
Quelles sont les caractéristiques spécifiques de maladies comme la maladie de Verneuil, le psoriasis, le cancer de la peau et la dermatite atopique ?
- La maladie de Verneuil ou Hidradénite suppurée (HS) est une affection inflammatoire chronique qui se manifeste par des nodules inflammatoires douloureux, des abcès profonds, des fistules et des écoulements purulents. Dans sa présentation clinique la plus fréquente, elle atteint les grands plis du corps, à savoir les plis axillaires, inguinaux, inter-fessiers ou sous-mammaires. Avec le temps, ces lésions répétées peuvent entraîner des cicatrices hypertrophiques, rétractiles, parfois en ponts altérant l’architecture cutanée. Souvent diagnostiquée tardivement, la maladie de Verneuil nécessite une prise en charge spécialisée et précoce pour limiter les poussées inflammatoires et prévenir les complications cicatricielles.
- Le psoriasis est une maladie inflammatoire chronique de la peau, caractérisée par l’apparition de plaques rouges, bien délimitées, recouvertes de grosses pellicules de peau sèche, blanchâtres épaisses. Dans sa forme classique, ces lésions cutanées se répartissent le plus souvent de façon symétrique et touchent des zones privilégiées telles que le cuir chevelu et les zones de frottement comme les coudes, les genoux, la région lombo-sacrée. La maladie peut s’accompagner de démangeaisons et évolue par poussées, dont la fréquence, la durée et la sévérité peuvent varier considérablement d’une personne à l’autre, rendant son évolution souvent imprévisible.
- La dermatite atopique, ou eczéma atopique, est une maladie inflammatoire chronique de la peau, fréquente chez l’enfant mais pouvant persister ou débuter à l’âge adulte. Elle se manifeste par une peau sèche, rouge et irritée, avec des lésions parfois suintantes et qui sont souvent accompagnées de démangeaisons intenses. Les lésions évoluent par poussées, touchant généralement le visage, les plis des coudes, l’arrière des genoux ou le cou, selon un mode cyclique, avec des phases d’aggravation entrecoupées de périodes de rémission.
- Les cancers de la peau se manifestent de manière variable selon leur type.
Le mélanome apparait le plus souvent sous la forme d’un nouveau grain de beauté différents des autres (atypique). Les signes d’alerte à surveiller sont : une forme asymétrique, des bords irréguliers, différentes couleurs, un diamètre supérieur à 6 mm, une évolution rapide.
Les carcinomes basocellulaires et spinocellulaires apparaissent le plus souvent sur les zones du corps les plus exposées au soleil comme le visage et le cou. Ces cancers peuvent se manifester sous forme d’une plaie qui ne guérit pas, d’un nouveau bouton persistant, de plaques rouges épaissies ou de nodules croûteux. Ces lésions peuvent démanger, s’ulcérer, saigner ou devenir douloureuses à mesure qu’elles évoluent.
Quel impact ces pathologiques peuvent-elles avoir sur la qualité de vie des patients ?
Au-delà de l’atteinte cutanée visible, ces maladies chroniques influencent profondément la qualité de vie des personnes qui en souffrent. Le retentissement peut être fonctionnel, social, professionnel mais aussi psychologique. Les démangeaisons persistantes, les douleurs, les saignements ou les suintements sont autant de symptômes susceptibles de perturber le sommeil, l’hygiène de vie ou encore les interactions sociales. Certains patients modifient leurs habitudes vestimentaires ou évitent certaines activités physiques par peur du regard des autres ou de l’aggravation des lésions.
La maladie de Verneuil, en particulier, est souvent vécue de manièrestigmatisante. Les douleurs, les écoulements chroniques de pus et l’atteinte de la sphère intime affectent lourdement la vie personnelle, sexuelle et professionnelle, exposant les patients à un isolement progressif. Dans le cas du psoriasis ou de la dermatite atopique, les lésions affichantes peuvent aussi entraîner un retrait social et une perte de confiance en soi. La méconnaissance de ces maladies par l’entourage peut générer un profond malaise chez les patients, mêlant honte, frustration et culpabilité.
Quant aux cancers de la peau, ils induisent fréquemment un impact émotionnel majeur lié à l’angoisse du diagnostic, au risque de récidive ou aux séquelles esthétiques d’une prise en charge chirurgicale.
Comment les symptômes de ces maladies influencent-ils à la fois l’état physique et le bien-être mental ?
L’impact des dermatoses inflammatoires chroniques ne se limite pas à la peau : il s’inscrit dans une dynamique globale, touchant à la fois le corps et l’esprit. La douleur, les démangeaisons, les troubles du sommeil ou encore la gêne fonctionnelle provoquent une fatigue chronique qui altère le fonctionnement quotidien. À cela s’ajoutent les conséquences psychologiques : anxiété, troubles de l’humeur, états dépressifs voire idées suicidaires sont fréquents chez les personnes atteintes de maladies cutanées chroniques.
Le stress chronique peut également jouer un rôle de facteur aggravant ou de déclencheur, en modifiant la réponse immunitaire et en accentuant l’inflammation cutanée. Ce phénomène est bien documenté dans plusieurs dermatoses chroniques, où les poussées surviennent souvent après un épisode de tension émotionnelle. S’installe alors un véritable cercle vicieux : plus les symptômes s’intensifient, plus la détresse psychologique augmente, ce qui entretient à son tour l’activité de la maladie.
Pour lutter contre la stigmatisation, les préjugés et les répercussions sociales que ces pathologies entraînent, une meilleure information du grand public reste essentielle. Sensibiliser, faire connaître ces maladies et valoriser la parole des patients sont autant d’objectifs portés aujourd’hui par les sociétés savantes que par les associations de malades.