Affectant plus de 60 millions de personnes à travers le monde, l’insuffisance cardiaque souffre d’un diagnostic tardif et, du côté des professionnels de la santé, d’un manque de moyens pour assurer un suivi adapté. Aidée par la vague d’e-santé, une technologie tout droit venue de l’espace ambitionne de révolutionner la cardiologie des années à venir.
Diagnostiquer une insuffisance cardiaque exige des techniques chronophages et coûteuses, inaccessibles pour certaines populations à travers le monde. Ne pas agir pour améliorer la prise en charge de la santé cardiaque, c’est risquer d’alourdir le fardeau économique que représente cette pathologie sur nos systèmes de santé. En Belgique, 200 000 patients souffrent d’insuffisance cardiaque. Aux États-Unis, 30 milliards de dollars sont dépensés annuellement dans le traitement de l’insuffisance cardiaque. Et les projections sont dramatiques. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) parle d’une épidémie d’insuffisance cardiaque.
Un diagnostic précoce est essentiel
Essoufflements et épuisement à l’effort sont parmi les premiers symptômes communs mais déjà avancés dans le développement de la pathologie. Le diagnostic est souvent posé tardivement. Côté patient, on pense sans s’inquiéter que la fonction respiratoire n’a pas grand-chose à voir avec la fonction cardiaque. Pour un généraliste, les signes précurseurs d’une insuffisance cardiaque ne sont pas toujours évidents à repérer. Les patients sont alors pris en charge aux urgences le plus souvent, avec un cœur déjà altéré structurellement. La médication permet d’éviter les aggravations, mais certainement pas de récupérer un cœur totalement sain. « Si on veut véritablement donner toutes les chances aux patients, il faut intercepter cette pathologie le plus tôt possible », insiste Pierre-François Migeotte, physicien, docteur en Sciences et en physiologie.
Des technologies spatiales au service de notre cœur
Développée il y a plus de vingt ans pour assister les astronautes dans le monitoring de leur fonction cardiaque dans l’espace, la recherche en cardiologie a permis de faire naître une technologie de pointe adaptée à tout patient soucieux de se réapproprier sa santé cardiaque. « Les montres connectées et autres dispositifs de mesures cardiaques ne permettent pas de diagnostiquer une insuffisance cardiaque, continue Pierre-François Migeotte. Pour ce faire, il faut être en mesure d’observer la mécanique cardiaque, à savoir la vitesse d’éjection du sang du cœur vers l’aorte. »
Le physicien est également co-fondateur de HeartKinetics, une société active dans la santé digitale qui développe une technologie s’appuyant sur l’intelligence artificielle et l’utilisation de capteurs de mouvement dont chaque smartphone est aujourd’hui équipé. « Nous avons tous des accéléromètres et des gyroscopes en poche sans le savoir. Ces capteurs comptent nos pas au quotidien, mais avec les configurations adaptées, ils permettront bientôt à tout un chacun de capter les micro-vibrations causées par la contraction cardiaque » explique Pierre-François Migeotte.
Grâce à l’application dédiée KINO.cardio qui enregistre les données du patient et peut les transférer à son spécialiste, le smartphone placé sur le thorax analyse la vitesse d’éjection du sang qui se traduit en énergie cinétique, énergie que possède tout corps en mouvement. « On a entrainé un système d’intelligence artificielle sur base de milliers d’enregistrements de battements de cœur pour qu’il puisse reconnaitre les caractéristiques d’une insuffisance cardiaque et aider à poser un diagnostic précoce. Je décris parfois notre technologie en la présentant comme un Shazam du cœur. »
La technologie est encore en phase de validation clinique. « Ces processus régulatoires sont incroyablement longs, surtout au niveau européen. La première étape dans la commercialisation du système va cibler les patients atteints d’une insuffisance cardiaque chronique pour qu’ils puissent faire leur suivi depuis chez eux. Évidemment, nous ambitionnons une utilisation de la technologie KINO® bien plus large pour permettre à chacun de détecter les signes avant-coureurs d’une insuffisance cardiaque. »
« En parallèle, il faut poursuivre la prévention, car compte-tenu de nos sociétés vieillissantes, des modes de vies qui n’encouragent pas toujours à l’activité physique et l’obésité qui reste une problématique de santé majeure, le développement de l’insuffisance cardiaque représente un enjeu de santé publique crucial pour les décennies à venir. »