Malgré l’avènement de nouveaux traitements, la polyarthrite rhumatoïde (PR) reste une maladie dont la prise en charge est difficile. En cause : son hétérogénéité. Le service de rhumatologie du CHU de Liège (Pr Michel Malaise) réalise plusieurs études pour mieux comprendre les différentes formes de cette maladie inflammatoire des articulations. Entretien avec deux rhumatologues et un docteur en biochimie du CHU de Liège : les Dr Charline Rinkin, Olivier Malaise et Dominique de Seny.
Texte : Philippe Van Lil
Compréhension de la PR : l’étude fondamentale
« En raison de l’hétérogénéité de la PR, tous les patients ne répondent pas de la même manière à un traitement donné. Il est donc important de mieux caractériser la maladie, afin de donner au patient le traitement le plus adapté, et ce le plus rapidement possible, avant que l’articulation ne soit dégradée » explique le Dr de Seny.
L’étude fondamentale vise à classer la maladie en différents sous-types. Dr de Seny : « Nous analysons par spectrométrie de masse l’ensemble des protéines exprimées par la membrane synoviale, un tissu conjonctif qui entoure l’articulation. Vu le caractère variable de la maladie, l’idée est de pouvoir appliquer une signature protéique en fonction de cette hétérogénéité. Des sous-types sont ainsi créés sur la base de cette signature, permettant d’envisager une nouvelle classification moléculaire des maladies. »
Soin de la PR : étude clinique
Réalisée par le Dr Rinkin, l’étude clinique de la PR évalue le lien entre rémission clinique – donc, l’absence de symptômes – et activité de la maladie. S’appuyant sur différentes techniques d’imagerie médicale (échographie, PET scan et Hand scan), l’étude consiste à pratiquer plusieurs évaluations pour en comparer les résultats. Ceci devrait permettre d’identifier les cas dans lesquels des examens plus poussés sont nécessaires.
Dr Charline Rinkin : « En cas de PR, nous sommes face à une double difficulté. D’un côté, lorsque vous examinez le patient et l’écoutez, il se peut qu’il vous dise avoir gardé des douleurs. Toutefois, celles-ci ne sont pas nécessairement liées à une activité de la maladie. Elles peuvent être dues aux séquelles de l’articulation abîmée, ou n’avoir aucun lien avec la polyarthrite. Ce n’est pas pour autant que le patient n’est pas en rémission ! D’un autre côté, certains ne se plaignent pas mais présentent encore des articulations enflammées. Laisser celles-ci en l’état continuerait à les abîmer progressivement. Dans ce cas, on ne peut pas parler de rémission. Des examens complémentaires, comme l’imagerie, permettent d’évaluer si la maladie est encore active. »
Étude du lien entre PR et ostéoporose
La PR n’est pas uniquement une maladie de l’articulation, mais a des répercussions sur tout l’organisme. Au niveau des os, elle peut provoquer une fragilité avec de l’ostéoporose et conduire à une fracture, notamment à la colonne vertébrale ou à la hanche.
Dr Olivier Malaise : « On connaît mal les déterminants de la PR qui font qu’un patient est plus à risque de faire de l’ostéoporose qu’un autre : est-ce principalement lié à l’âge du patient, à la durée de sa maladie, à l’activité de sa polyarthrite ou encore aux traitements ? C’est pourquoi j’observe les paramètres de la PR, avec l’aide du Dr Rinkin, et je les compare aux paramètres osseux, en étudiant la force de l’os, mais aussi son architecture interne par micro-scanner à haute résolution. Ainsi, nous pourrons déterminer chez quels groupes de patients atteints de PR il faut dépister en priorité l’ostéoporose. L’événement ultime que nous cherchons à combattre, c’est la fracture. »
Comme on peut le constater, le CHU de Liège est à la pointe de la recherche et de l’innovation en rhumatologie. Ses études liées à la PR devraient permettre une meilleure compréhension de cette maladie hétérogène et ainsi en améliorer la prise en charge. Le tout au bénéfice des patients.