Au sein de la société, les problèmes de santé mentale ne sont pas toujours pris au sérieux. Florence Mendez, humoriste, comédienne et chroniqueuse diagnostiquée haut potentiel, autiste asperger, et souffrant d’un trouble panique, nous fait part de son expérience et de son ressenti.
Texte : Diane Theunissen
Vous avez été diagnostiquée autiste asperger en 2017. Comment avez-vous vécu cette situation ?
Florence Mendez : « Je l’ai accueillie de la même manière que lorsque j’ai été diagnostiquée haut potentiel, avec un soulagement. Enfin, on met un mot sur cette différence et sur ce qui ne va pas. Même parmi les gens qui m’aiment et avec qui je m’entends, je sentais qu’il y avait un décalage. Maintenant, ça fait du bien de savoir qu’au niveau neurologique, j’ai une difficulté. J’ai une petite jambe de bois ! »
Votre métier d’humoriste vous aide-t-il à communiquer sur ces sujets, et à libérer la parole autour de la santé mentale ?
F. M : « À partir du moment où je me suis rendu compte qu’il y avait des gens qui m’écoutaient, je me suis dit qu’il fallait dire des choses qui en valaient la peine. Très vite, j’ai fait un humour qui était assez engagé et puis quand j’ai été fauchée par ce trouble panique en 2017, ça a été une telle solitude, j’étais convaincue que ma vie était terminée – et clairement, si je n’avais pas eu mon fils, je me suicidais – je me suis dit que ce n’était plus possible de maintenir les gens dans un tel silence. La preuve que c’est une bonne chose d’en parler, c’est qu’il y a énormément de gens qui m’ont envoyé des messages en me disant “j’ai souffert d’attaques de panique, je ne savais ce que j’avais, c’est grâce à votre interview dans tel media que j’ai découvert ce que c’était, j’ai vu un psychiatre et depuis je vais mieux”. Je pense que le silence, le tabou autour de la santé mentale, ça tue des gens. »
En 2017, c’était un sujet dont on parlait moins. Qu’en pensez-vous ?
F. M : « On n’est pas encore là où on devrait être, mais il y a eu un énorme progrès. Et justement, je trouve que la culture a fait un boulot que la société n’a pas voulu faire. Il y a eu beaucoup d’artistes qui ont commencé à parler de dépression, d’anxiété, etc. »
Je pense que le silence, le tabou autour de la santé mentale, ça tue des gens.
Cependant, le besoin de sensibilisation est encore très présent, n’est-ce pas ?
F. M : « Évidemment, surtout au niveau de l’entourage. Moi, je me suis confrontée à une incompréhension complète de mon compagnon, qui m’a quittée à cause de ça [mon trouble panique]. Il pensait que j’avais besoin d’attention, il refusait de venir avec moi à l’hôpital parce que selon lui c’était uniquement psychologique et qu’il avait autre chose à faire. Mais il faut arrêter de croire que parce que c’est dans la tête, ça n’existe pas. Il y a aussi des couples qui sont venus me voir après le spectacle, où la jeune fille était dans le même état que moi et le jeune homme m’a dit “venir voir votre spectacle ça m’a permis de comprendre comment je devais agir avec elle”. C’est très important parce que dans le cadre du trouble panique, il faut former une équipe avec son entourage pour tous se sortir de là. Quand vous êtes angoissé de manière pathologique, la bienveillance de l’autre est capitale. Quand on vous déculpabilise, qu’on vous explique, qu’on vous dit que ce n’est pas de votre faute, qu’on est fier de vous et qu’on ne vous laissera pas tomber, ça change tout. »
Avez-vous remarqué un effet boule de neige induit par cette prise de parole ?
F. M : « Bien sûr. Quand j’ai commencé à parler publiquement de mon trouble panique, une amie qui est venue me voir en me disant qu’elle souffrait de quelque chose de similaire, et qu’elle ne savait pas s’en sortir. Je l’ai accompagnée, je lui ai donné des conseils, et il y a quelques jours, elle m’a envoyé un message en me disant “regarde, je fais pour une autre ce que tu as fait pour moi”. Comme mon amie en a parlé, son amie à elle est venue la voir et s’est livrée. »
Aborder ce tabou de manière légère et rigolote, ça permet d’en prendre conscience sans pousser les gens dans la peur.
L’humour vous aide-t-il à communiquer sur ces sujets ?
F. M : « Oui. C’est indispensable, parce que le tabou autour de la santé mentale pèse assez lourd, et c’est un sujet qui fait peur. L’aborder de manière légère et rigolote, ça permet d’en prendre conscience sans pousser les gens dans la peur, la fuite et les œillères par rapport à la maladie mentale. »
Il faut arrêter de croire que parce que c’est dans la tête, ça n’existe pas.