Sur France Inter ou en télévision sur Téva, ses chroniques brisent les tabous, du harcèlement au travail à l’autisme. À 35 ans, la Bruxelloise Florence Mendez propose un stand-up piquant d’honnêteté dans lequel elle nous raconte son histoire. Celle d’une femme que le rejet de la différence n’a pas arrêtée.
C’est dans « Délicate » que vous parlez de santé mentale pour la première fois ?
« La toute première fois, c’était dans une interview accordée à La Libre. Je me confiais sur mes problèmes de santé mentale, pas du tout sur le ton de l’humour. Sur scène, c’est bien dans « Délicate », mon premier spectacle. À la base, je ne pensais pas y aborder la santé mentale. Fin mars 2017, j’étais arrivée au bout du processus d’écriture, satisfaite du ton engagé que j’allais proposer, lorsque j’ai été fauchée par un trouble panique. Mon job de professeure de langues, mon compagnon, ma stabilité, j’ai tout perdu. Je faisais des crises de panique à répétition, j’étais convaincue que la mort était proche, je devais m’arrêter sur chaque parking d’hôpital dès que je prenais le volant, je ne mangeais plus par peur d’étouffer. On ne s’imagine pas à quel point c’est violent et incapacitant. Mais avec du recul, je ne pense pas que je parlerais de santé mentale dans mon stand-up si je n’avais pas eu le même parcours. »
Vous parlez de votre diagnostic comme d’une renaissance. Quel rapport entretenez-vous à ce trouble aujourd’hui ?
« Après mon trouble panique, j’ai été diagnostiquée avec un trouble du spectre autistique sans déficience, anciennement appelé autisme Asperger. J’ai failli mettre fin à mes jours, c’est pour ça que je vois ce tournant comme une deuxième chance. Aujourd’hui, entre mon trouble et moi, c’est un peu une relation amour-haine. Je sais que j’aurais fait certaines choses différemment si je n’étais pas autiste, que ce soit dans l’humour ou la création, mais je lui dois aussi ma sensibilité. Ça n’enlève que les gens pensent qu’on s’enorgueillit de notre différence alors que non. C’est juste difficile à vivre, même s’il existe des troubles bien plus graves que ce que j’ai sur le spectre de l’autisme. »
A-t-on évolué en termes de considération de la santé mentale au travail depuis 2017 ?
« On n’était pas aussi avancé au niveau du discours sur la santé mentale en 2017, c’est certain. Mon compagnon de l’époque ne voulait pas croire que j’avais un trouble psychique. Il me répétait que c’était dans ma tête, que j’avais trop besoin d’attention. Mais encore aujourd’hui, on minimise l’impact de la différence dans le monde du travail et de ce qu’elle implique au quotidien. C’est un mal invisible. Le pire dans une maladie mentale, c’est que les gens s’attendent à ce que vous agissiez comme si vous n’en aviez pas. C’est une phrase du film Joker qui résonne particulièrement chez moi. L’autisme n’est pas une maladie mentale, mais il nous rend quand même différent. Notre compréhension du monde n’est pas pareille. Quand j’ai commencé l’humour mais que j’enseignais encore, je devais parfois envoyer mes élèves à l’étude lorsque je faisais des crises de panique. Je donnais quelques interviews à la presse et mes collègues profs venaient me dire sur les réseaux sociaux que je n’avais pas l’air si malade que ça. Que ce soit de l’anxiété, un burn-out, les gens ne comprennent pas que pour essayer d’aller mieux, on doit prendre soin de soi, trouver des choses épanouissantes. »
Fin mars 2017, j’ai été fauchée par un trouble panique. Mon job de professeure de langues, mon compagnon, ma stabilité : j’ai tout perdu.
Quelles sont les ressources qui vous aident à maintenir un bien-être mental ?
« La scène m’a véritablement sauvée. Dès que j’ai commencé à parler de santé mentale, j’ai reçu des centaines de messages. On me remerciait de partager mon expérience, d’autres me racontaient avoir réussi à aller voir un spécialiste grâce à mes sketchs. Ça a donné du sens à mon humour. Dans ma vie de tous les jours, je compte beaucoup sur la thérapie, la médication, et aussi le contact avec les animaux, surtout mon chien. C’est un véritable catalyseur de bonheur. Je me respecte et je ne dépasse plus mes limites. L’autisme implique une certaine dose d’hyperesthésie, nos sens peuvent vite être submergés. Je considère qu’au travail, les employeurs devraient toujours mettre à disposition une zone de repli. Un endroit où il est possible de s’isoler dans le noir et au calme. Si certains travailleurs sont en burn-out ou en épuisement, c’est aussi l’environnement de travail qui doit être remis en question. »