Le secteur des soins de santé aura été particulièrement mis à mal durant la crise sanitaire actuelle. Yves Smeets, Directeur général de Santhea, la fédération patronale des institutions de soins de santé wallonnes et bruxelloises publiques et privées non confessionnelles, analyse la situation. Il met aussi en garde contre un manque de préparation en cas de nouvelle crise.
Texte : Philippe Van Lil – Photo : Th. Strickaert
Qu’a mis en lumière la crise du Covid-19 ?
« Elle souligne l’extraordinaire capacité du secteur hospitalier à réagir à une crise inconnue jusqu’à ce jour. En quelques jours à peine, il a été à même, dans la toute grande majorité des cas, de mettre en place les éléments et structures nécessaires pour répondre aux besoins des patients. »
« La 1re ligne – médecins généralistes, soins à domicile, etc. – a également été très réactive. En revanche, ce fut plus difficile en maisons de repos, ces structures n’étant pas préparées à devoir gérer ce genre de crise. C’est un enseignement à tirer : ici, comme dans tout type de structure d’accueil, il faudra mettre en place des outils adéquats, entre autres de la formation pour le personnel. »
Le personnel soignant est-il néanmoins présent en nombre suffisant dans nos hôpitaux ?
« Clairement non ! Depuis longtemps, nous réclamons un renforcement du cadre et du personnel présent sur le terrain afin de renforcer la prise en charge des patients. Ceci concerne aussi bien le personnel soignant que le personnel administratif, logistique et d’entretien. »
« En Belgique, un infirmier est en moyenne chargé de 10,7 patients, contre 8,3 au niveau européen. Fin 2019, les mouvements de revendications ont mené au vote par le Parlement d’un budget exceptionnel, le ‘Fonds Blouses blanches’, pour engager du personnel complémentaire. Mais cela reste insuffisant ! »
Les spécialistes nous prédisent malheureusement que ce ne sera pas la dernière crise de ce type.
« La Belgique fait largement moins bien que ses pays voisins en la matière. Le raccourcissement des délais de séjour en hôpital n’a rien arrangé à la situation : la rotation plus élevée du nombre de patients nécessite plus énergie… et donc plus de personnel ! »
Quel regard portez-vous sur la gestion de la crise par les autorités publiques ?
« Nous avons dû faire face aux conséquences des politiques menées ces dernières années. Les investissements dans la santé ont été négligés et les économies extrêmement importantes. De plus, il y a eu le manque complet d’anticipation de mesures en cas de survenance d’une crise sanitaire, voire des erreurs énormes comme la destruction de masques sans leur remplacement. »
« Plus globalement, les acteurs politiques ne sont pas suffisamment à l’écoute du terrain et de ses réalités. À cet égard, la décision, il y a quelques semaines, d’autoriser les visites dans les maisons de repos est significative : elle a été prise sans aucune concertation avec les acteurs de terrain ! »
Quel est à présent le défi majeur du secteur des soins de santé ?
« Il faut faire face à l’augmentation et au vieillissement de la population. Cela nécessite d’augmenter le pourcentage du PIB consacré aux soins de santé. La marge de croissance du budget des soins de santé est actuellement de 1,5 % par an, alors que le Bureau du Plan considérait – avant même la crise sanitaire ! – qu’elle devrait être de 2,2 % pour faire face aux besoins. »
Il faut à présent prévoir des plans d’urgence propres aux pandémies.
Un autre challenge est aussi de mieux se préparer à une nouvelle crise…
« Il va en effet vraiment falloir réfléchir à la manière dont on pourra faire face à l’avenir à ce type de crise. Les spécialistes nous prédisent malheureusement que ce ne sera pas la dernière. Les plans d’urgence hospitaliers existants ont été conçus pour des crises très ponctuelles comme les attentats. Ils ne permettent cependant de mobiliser très rapidement les structures hospitalières que pour des durées limitées à quelques jours. »
« Il faut à présent prévoir des plans d’urgence propres aux pandémies. Durant la crise, la coordination au sein des réseaux hospitaliers, voire entre réseaux, a été relativement efficace. Il sera néanmoins nécessaire de mettre en place une cellule de crise pour assurer la coordination de la mise en œuvre des futurs plans pandémies. »
« À tout cela, s’ajoute aussi la nécessité de prévoir des capacités hospitalières avec toute l’infrastructure d’urgence adéquate pour affronter une nouvelle crise. »
