Pour de nombreux hommes, le traitement du cancer de la prostate bouleverse l’intimité et la sexualité. Comment les patients peuvent-ils mieux le vivre ? André Deschamps, président de l’association de patients « Wij Ook »*, et Leo Nollet nous l’expliquent.
Chaque année, un cancer de la prostate est diagnostiqué chez quelque 12 700 hommes belges. La maladie est difficile à détecter, car au début, elle est asymptomatique. De plus, un cancer de la prostate de faible grade, qui se développe lentement, ne doit pas nécessairement être traité d’emblée. « Si le cancer doit être traité et qu’il n’a pas métastasé, deux options peuvent être envisagées : la radiothérapie et l’opération », déclare André. « Toutes deux ont souvent des conséquences, comme l’impuissance, car ces traitements peuvent toucher les nerfs. Pour les patients et leurs partenaires, cela signifie généralement une sexualité différente de la pénétration classique. »
Lorsqu’il a appris qu’il était atteint d’un cancer de la prostate, en 2014, Leo Nollet (76 ans), ne présentait pas de symptômes. « Ils l’ont suspecté car mon taux de PSA était élevé », raconte-t-il. « Un traitement a immédiatement été mis en place, avec une radiothérapie, une hormonothérapie et une opération. Cela a marché, mais en 2022, j’ai eu une récidive : le cancer était à nouveau visible au PET-scan. J’ai alors suivi une radiothérapie interne. Le cancer semble aujourd’hui avoir disparu. »
La vie intime de Leo a particulièrement changé après l’hormonothérapie. « Au début, je n’avais plus de libido, mais c’est en partie revenu. La sensation d’un orgasme « sec » est totalement différente. Après la radiothérapie interne, mon désir a diminué, je dois l’admettre. Heureusement, nous y étions préparés, car les médecins nous l’avaient bien expliqué. Ils nous avaient proposé, par exemple, d’essayer des comprimés qui favorisent l’érection, mais je n’ai pas voulu. »
L’année prochaine, Leo et son épouse fêteront leur cinquante ans de mariage. « Ah, à notre âge, la vie sexuelle est de toute façon différente. Cela manque aussi à ma femme, bien sûr, mais nous en avons amplement discuté. Après un demi-siècle de mariage, nous pouvons traverser la tempête. »
La sexologue reconnaît ce que ressentent Leo et André
Selon elle, l’intimité après un cancer de la prostate ne disparaît pas, mais elle change, elle devient plus lente, plus douce, plus consciente. « Le diagnostic et le traitement entraînent des bouleversements », déclare-t-elle, « mais ceux-ci peuvent créer une nouvelle forme de lien. Et la guérison ne signifie pas revenir à l’ancienne situation, mais découvrir ensemble ce qui est encore possible aujourd’hui. »
Sexualité et intimité après un cancer de la prostate: Rétablir, redécouvrir et recréer le lien
« L’intimité après un cancer n’exige pas un corps parfait, mais deux personnes prêtes à continuer à chercher une solution ensemble. »
Après un traitement, le corps, mais aussi le rapport à l’autre, changent. L’intimité passe alors par la recherche d’un nouvel équilibre. Certains couples remarquent qu’une distance se crée, par manque d’assurance ou peur de blesser la ou le partenaire. Construire une nouvelle relation sexuelle commence par le contact : réapprendre à parler, à rire, à toucher sans aucune attente. Expérimenter ensemble et dire ce qui plaît ou inquiète renforce la confiance.
Conseils :
- Prévoyez des moments d’intimité sans qu’il ne soit nécessairement question de sexe.
- Exprimez ce que vous aimez chez l’autre, y compris ce qui n’est pas physique.
Réapprendre à sentir votre corps
Après un traitement, il est possible que vous ayez une perception différente de votre corps : plus lent, plus sensible, moins prévisible. L’opération ou la radiothérapie peut avoir des conséquences telles qu’une érection moindre, un orgasme sec ou une modification de la sensibilité. Ces sensations peuvent être désagréables, mais elles sont souvent temporaires. Découvrez à votre propre rythme ce qui est agréable ou pas, non pour rétablir quelque chose qui a changé, mais pour vous reconnecter avec vous-même.
Conseil :
- Concentrez-vous sur ce que vous ressentez encore : vous découvrirez peut-être de nouvelles formes de plaisir et de détente.
Continuez à stimuler votre corps : use it or lose it
Après une opération ou une radiothérapie, la stimulation régulière aide à maintenir les connexions nerveuses et les tissus actifs. Toute forme de toucher est utile, même sans érection.
Conseils :
- L’autostimulation, les massages ou les accessoires tels qu’une pompe à vide peuvent être utiles.
- Les exercices du plancher pelvien et l’accompagnement par un kinésithérapeute spécialisé favorisent le rétablissement.
- Discutez avec votre médecin des accessoires et des traitements possibles.
L’intimité sans pression
Après le traitement, beaucoup d’hommes se sentent « moins homme ». Les partenaires peuvent aussi perdre en confiance en eux. Cette pression de la performance est précisément souvent un obstacle à l’intimité. La sexualité n’est pas qu’une question d’érection ou de pénétration, mais aussi de plaisir, de sensations et de lien, à vivre à votre propre rythme.
Conseil :
- Déplacez le curseur de l’objectif de « devoir être performant » à « profiter du moment ensemble ».
Parler aide vraiment
De nombreux couples se taisent par honte ou par crainte, mais la communication est essentielle.
Conseils :
- Parlez de ce qui est difficile ou de ce qui vous manque, même en dehors de la chambre à coucher.
- Formulez ce qui va bien : la confiance et le lien en seront renforcés.
Demander de l’aide est permis
Vous n’êtes pas seul. Discutez avec un sexologue, un psychologue ou un infirmier spécialisé dans les soins de la prostate. Pensez également aux groupes de soutien.
Conseil :
- Ne voyez pas là un échec, mais un investissement dans votre propre personne et votre relation.
*« Wij Ook » est l’association en Flandre de « Nous aussi ».
