Home » News » Tout savoir sur le déficit immunitaire primaire (DIP)
Maladies Rares

Tout savoir sur le déficit immunitaire primaire (DIP)

Vous tombez souvent malade ? Et s’il y avait autre chose ? Le déficit immunitaire primaire – DIP – est un affaiblissement du système immunitaire,  rendant les patients plus sensibles aux agressions extérieures.

Texte : Maria-Laetitia Mattern

Chantrain






Les explications du Professeur Christophe Chantrain, hématopédiatre au Service Universitaire d’Hématologie Oncologie Pédiatrique Liégeois (SUHOPL) au sein du CHC-Liège.

Qu’est-ce que le DIP ?

Professeur Christophe Chantrain : « Le DIP signifie déficit immunitaire primaire : il s’agit d’un manque de défenses immunitaires chez un individu. “Primaire” signifie qu’il est constitutionnel, que la personne présente ce déficit à cause d’une anomalie génétique. Dans certains cas, le déficit ne s’exprime pas dès la naissance ou le début de la vie mais les signes apparaissent plus tard à l’adolescence ou à l’âge adulte.  Il existe plusieurs types de défenses immunitaires et environ 400 types de déficits différents. Leur prévalence est de 1 à 9 sur 100 000, et ils sont actuellement sous-diagnostiqués. »

Quels sont les symptômes de ces déficits ?

Dr. C.C. : «  Comme il présente une diminution de ses défenses immunitaires, le patient rencontre un risque d’infections plus élevé, que ce soit par des bactéries, des virus ou encore des champignons ou des parasites. »

« À côté des infections, le patient atteint de DIP peut présenter des symptômes d’auto-immunité, c’est-à-dire des pathologies où le corps s’attaque à lui-même parce qu’il ne reconnaît pas son propre organisme. C’est notamment le cas des problèmes de thyroïde, de certaines maladies inflammatoires au niveau digestif ou articulaire, de plaquettes de sang diminuées, etc. »

« Enfin, dans certains DIP, le risque de cancer est accru parce que le système immunitaire ne peut pas faire son travail correctement ou à cause d’une fragilité génétique. »

« En raison de la variété des symptômes, les patients consultent souvent différents médecins, ce qui retarde le diagnostic. Il existe des signaux d’alertes auxquels il faut être attentif. Si un patient présente deux ou plusieurs de ces signaux d’alertes, un DIP sous-jacent doit être recherché. »

Vers quels spécialistes faut-il se tourner ?

Dr. C.C. : « En cas de situation anormale ou d’infections à répétition, le médecin traitant – ou le pédiatre chez l’enfant – a un rôle crucial dans le dépistage d’un DIP. Ensuite, si un DIP est suspecté, il faut s’adresser à un spécialiste de l’immunité (pédiatre spécialisé, interniste spécialisé, immunologiste, rhumatologue, etc.). Les médecins spécialisés dans ce domaine sont regroupés au sein du BPIDG (Belgian PID Group). »

Justement, en quoi consiste le BPIDG ?

Dr. C.C. : « Le BPIDG regroupe toutes les personnes qui s’occupent de la question de l’immunité en Belgique. Son but, c’est de créer des synergies et de poursuivre des recherches autour des DIP, d’organiser au mieux les soins en fonction des différentes expertises et de développer des collaborations. Le groupe permet aussi de positionner la Belgique sur le plan international et d’informer la population et les médecins sur les DIP. »

Comment pose-t-on le diagnostic d’un DIP ?

Dr. C.C. : « L’histoire et l’examen clinique de la personne sont très importants pour le diagnostic. On considère un ensemble de facteurs qui, mis ensemble, peuvent mettre la puce à l’oreille. Ensuite, on observe les cellules de l’immunité et les taux d’anticorps via une prise de sang. Si un DIP est identifié, on peut poursuivre avec un examen génétique plus complet pour comprendre l’anomalie du gène en cause, ou par des analyses fonctionnelles. »

« Un outil récent permet d’étudier tous les gènes d’une personne de manière approfondie, ce qui permet de mieux identifier et comprendre la cause du déficit immunitaire, avec l’espoir de trouver de nouvelles solutions thérapeutiques prochainement.»

Si un DIP est identifié, on peut poursuivre avec un examen génétique plus complet pour comprendre l’anomalie du gène en cause.

Quels sont les traitements possibles actuellement ?

Dr. C.C. : « Le premier traitement concerne les symptômes. Chez une personne qui fait souvent des infections, cela passe par exemple par des antibiotiques adaptés et une réaction rapide. Afin d’éviter qu’une personne à risque ne contracte une infection, il faut également envisager un traitement préventif et des règles d’hygiène strictes. »

« L’autre traitement consiste à administrer des anticorps aux personnes présentant un déficit. Il existe dans ce cas deux formes d’administration. La première est la voie intraveineuse : une perfusion par mois, à l’hôpital. Dans ce cas-là, une dose élevée est administrée pour combler le mois entier. Cette dose élevée entraîne parfois des risques d’effets secondaires. »

« L’autre voie est sous-cutanée : réalisée par le patient lui-même ou par ses parents, une fois par semaine ou selon un schéma adapté aux besoins du patient, à domicile. Elle donne au patient plus de flexibilité et lui évite de s’absenter du travail ou de l’école. Ces deux modes d’administrations sont aussi efficaces l’un que l’autre et le patient est libre de choisir la formule qui lui convient le mieux. »

Notre but est que cette pathologie ait le moins d’impact possible sur la vie des patients.

« Enfin, certains traitements de fond ont pour but de corriger le déficit immunitaire. Jusqu’à il y a peu, la seule solution en cas de déficit très sévère était la greffe de moelle, qui offre un nouveau système immunitaire au patient. Mais à force de mieux identifier les déficits génétiques, des traitements de plus en plus ciblés sont aujourd’hui développés. »

Existe-t-il des organisations de patients présentant un DIP ?

Dr. C.C. : «Oui, il existe une organisation internationale appelée IPOPI. Elle est très active et a développé des antennes nationales un peu partout dans le monde (l’association BOPPI en Belgique). Son but est d’informer les familles, de les soutenir, mais aussi de travailler avec les médecins, de stimuler la recherche et d’améliorer la prise en charge des patients.»

Comment vit-on avec un DIP ?

Dr. C.C. : « Notre but est que cette pathologie ait le moins d’impact possible sur la vie des patients. Les conséquences dépendent de la gravité du problème immunitaire. Dans certains cas, chez les patients qui ont un déficit en anticorps par exemple, le traitement peut leur offrir une vie normale en évitant les conséquences à long terme. Pour d’autres, qui subissent un traitement plus lourd, leur autonomie peut être restreinte. Mais la recherche avance et nous travaillons justement pour que ces patients puissent vivre de la manière la plus optimale possible. »


BEL-CRP-0054   02/2020

Next article