La place des femmes dans le système d’aide et de soins souligne les difficultés et les contradictions auxquelles elles font face dans la société.
Parler de son vécu, de ses émotions est toujours considéré comme une caractéristique féminine. Il n’est pas étonnant de constater que dans la patientèle des services de soins, les femmes constituent une majorité1. Non seulement elles font davantage appel à une aide professionnelle que les hommes2, mais dans un contexte de saturation généralisée, les services donnent aussi priorité aux demandes portées par des femmes3.

Lola Clavreul
Directrice de la Fédération des Centres Pluralistes de Planning Familial (FCPPF)

Yahyâ H. Samii
Directeur de la Ligue Bruxelloise pour la Santé Mentale (LBSM)
On sait la plus grande charge mentale portée par les femmes, en particulier lorsqu’elles sont mères. Ce sont souvent elles qui s’occupent des enfants et prennent en charge le suivi médical de la famille : prise de rendez-vous, suivi des soins, suivi administratif… Elles encore qui sont majoritairement touchées par les violences physiques, sexuelles et psychologiques. Elles qu’on retrouve davantage en famille monoparentale synonyme de plus grande précarité.
Inégalités de santé et reconnaissance des soins
En matière de santé sexuelle, les stéréotypes sont aussi à l’œuvre. Dès leurs premières règles, les femmes entrent dans un parcours de soins réguliers, notamment via les consultations gynécologiques4. Pour autant, les traitements insuffisants des symptômes de la préménopause, le manque d’alternative aux moyens de contraception ayant des effets secondaires importants ou encore le manque de dépistage de l’endométriose pèsent lourdement sur la santé physiologique et psychique des femmes. Ils montrent que la recherche, notamment concernant la prise en charge de la douleur ou du bien-être, est encore largement biaisée par les questions de genre.
A cela, s’ajoute un autre constat : les femmes composent la majorité des métiers du care. Assistantes sociales, psychologues, médecins ou infirmières s’occupent des personnes en souffrances, à des postes qu’on qualifiait d’« essentiels » durant la pandémie COVID19, mais qui restent dits plus « féminins » et sont touchés par l’instabilité, la précarité, une pénibilité croissante et un manque persistant de reconnaissance.
Or, les modèles stéréotypés de genre ont également des impacts sur la santé mentale des hommes : ceux-ci ont plus de mal à exprimer leurs difficultés, à témoigner de leur vulnérabilité, à recourir à une aide extérieure. Cette réalité, renforcée par l’organisation même des services d’aide et de soins, creuse des inégalités qui pèsent sur la santé mentale de toutes et tous.
Tout ceci nous conduit à au moins deux conclusions : un, il est urgent de lutter contre les facteurs qui renforcent les inégalités de genre en santé. Deux : il est urgent de défendre la santé de toutes et tous. Les difficultés auxquelles font face les femmes sont le reflet de mécanismes plus larges dans notre société qui génèrent de la souffrance et qui s’appuient sur des stéréotypes pour se perpétuer. En prendre conscience nous permet de les combattre ensemble.
1Rapport d’activités de l’AVIQ, Centres de planning familial, 2019-2022
2Voir la dernière enquête Solidaris sur la santé mentale, 2025.
3Comme les Services de santé mentale bruxellois, étude de la LBSM, 2024.
4 Voir e.a. M. Salle, C. Vidal, Femmes et santé, encore une affaire d’hommes ?, Belin, 2017.