Alex Parisel
CEO
Partenamut
En ce moment, les mutualités sont particulièrement sollicitées en raison de la crise du Covid-19. Pleinement accessibles, elles ont dû néanmoins s’adapter à la situation.
Texte : Philippe Van Lil – Photo : Dominik Lange (Unsplash)
Les mutualités sont-elles plus sollicitées qu’à l’accoutumée ?
Parisel : « Elles le sont différemment. La demande s’est réduite pour la partie de l’activité médicale actuellement à l’arrêt, mais elle a explosé en ce qui concerne les incapacités de travail, principalement. Les gens nous demandent dès lors si nous avons bien reçu leur certificat médical et veulent s’assurer de la date du paiement de leurs indemnités. »
« Nous sommes aussi amenés à rassurer les gens par rapport à leurs droits. Un autre glissement a eu lieu : nos agences n’étant plus accessibles que sur rendez-vous, le nombre d’appels et de courriels a fortement augmenté. »
Le lien avec vos membres a donc quelque peu changé de nature…
« Nous avons en effet découvert, tant nos membres que nous-mêmes, que l’on peut régler plus de 95 % de tous les problèmes via ces canaux. Le présentiel en agence reste cependant fondamental pour les dossiers complexes ou nécessitant un degré élevé d’empathie, voire lorsqu’il y a un problème de langue, par exemple. »
La législation s’est-elle suffisamment adaptée à la situation ?
« L’assouplissement de plusieurs règles de l’INAMI a permis de mieux protéger les citoyens. Néanmoins, le degré de complexité du système administratif est tel qu’il existe des zones floues ; il faut parfois du temps pour que les règles se précisent. Heureusement, la bonne volonté de tous facilite notre travail d’accompagnement en cette période de crise. »
Quel est le changement majeur ?
« Cela peut surprendre, il s’agit de l’envoi du certificat médical par mail, ce qui était interdit auparavant. Cette évolution n’a l’air de rien mais elle est majeure. La crise actuelle a permis de débloquer partiellement des discussions qui durent depuis des années autour de la digitalisation des soins de santé et de la simplification. On peut juste espérer que cette évolution ne soit pas qu’une parenthèse temporaire. »
Les autorités semblent vouloir s’appuyer sur les mutualités pour assurer le tracing au nom de la confiance que nos membres nous accordent.
Qu’a révélé d’autre cette crise à l’égard de vos missions ?
« Tout d’abord, on a redécouvert la valeur ajoutée d’un corps intermédiaire comme le nôtre. Dans une période de grands changements et d’incertitudes, nous assurons la continuité de nos services, restons en contact avec nos membres, les accompagnons dans leurs démarches, bref leur simplifions la vie au maximum. »
« Ensuite, nous nous sommes montrés proactifs vis-à-vis des publics les plus fragiles grâce à la mise en place d’un ‘call center solidaire’. Sur la base de nos données, nous appelons les plus de 85 ans, les aidants proches, etc., afin de prendre de leurs nouvelles et, le cas échéant, leur apporter une aide. Nous avons ainsi passé des milliers d’appels. »
« Finalement, les autorités semblent vouloir s’appuyer sur les mutualités pour assurer le tracing au nom de la confiance des membres dans leurs mutualité et de la compétence dans la gestion de données sanitaires. »
À quoi s’attendre lorsque le déconfinement sera totalement effectif ?
« D’abord, beaucoup de personnes ont reporté des soins. Elles vont cependant devoir encore un peu patienter avant de retrouver un espace médical pleinement opérationnel. Ensuite, le volet santé mentale lié au confinement, voire couplé au télétravail, prendra de l’ampleur, avec une recrudescence des burnouts parentaux, des dépressions, du stress, etc. »
« À cet égard, l’assurance complémentaire devra rapidement s’adapter aux nouveaux besoins, que ce soit pour faciliter l’accès à des services de soutien psychologique, améliorer les remboursements des transports non urgents pour les malades chroniques alors que les coûts augmentent pour cause de règles de désinfection, ou encore pour renforcer le support dans le cadre de séjours de revalidation. »
« Plus globalement, l’offre de santé mentale, relativement fragile en Belgique, devra être repensée. Tout comme les autorités, les mutualités auront un rôle à jouer dans cet enjeu de santé publique majeur. »